Par-delà l’idée, la pensée, une existence

La science met à nu notre monde et nous y immerge dans ses entrailles depuis les lieux perceptibles par nos sens jusqu’à ce qu’il a de très péniblement accessibles et qui le fondent. Elle nous découvre l’univers et nous le révèle comme étant une entité contrainte à un perpétuel mouvement ; une dynamique absolue et dont l’anticipation va au-devant de sa métamorphose. Elle affirme qu’il est dans ce processus continuel de sa transformation à hauteur de milliards d’années et s’étendrait à de très nombreuses années lumières, une façon modeste de dire qu’il se déploie à infini par défaut d’une limite matérielle qui reste inimaginable. L’impression d’être immobile tandis que tout autour de nous se meut n’est qu’illusoire, car, indépendamment de nous, et relativement à une autre position de notre univers, nous bougeons même si nous avons le sentiment d’être sur place, au même endroit dans le même espace ; notre subjectivité, bien souvent nous trompe.

Notre respiration, les battements de notre cœur, et la contracture de nos musques en sont des preuves flagrantes. Et même si cela n’est pas perceptible comme dans le cas des corps dits inanimés, stade primaire d’une métamorphose inévitable et certainement établie, le mouvement fonde notre existence. Par lui, nous croyons en l’existence du réel et de la vie. C’est d’une évidence irréfutable que notre entendement ne pourrait outrepasser, et plus au-delà de cette intuition, ce dynamisme va à l’échelle planétaire, galactique, cosmique, et ainsi de suite. Cette mise en mouvement qui est indépendante de notre volonté nous destine indubitablement malgré bon gré à quelque chose. Qu’on le veuille ou non, la transformation de nos personnes se fera d’un instant à l’instant d’après ; il pourrait être de l’ordre moléculaire comme il l’est déjà dans la réalité sensorielle. C’est pourquoi, le mouvement n’a d’existence que si le temps y consent. Et puisque le temps nous permet de reconnaitre le changement d’état d’une réalité, qu’en dira-t-on de l’espace qui manifestement rend ostensible la sensation du passage d’un lieu à un autre ?

Cette mouvance est la somme de la rencontre entre l’espace et le temps, une alliance dont la rupture acterait l’extinction de l’univers, et le précipiterait vers son effondrement terminal, un Big-Crunch. La vie résulterait donc d’un accident survenu lors de la collusion de l’espace au temps, ou du temps à l’espace ; il n’est pas possible de leur attribuer une préséance. Ils s’équivalent et forment un couple uni dans une alliance incommensurable.

Exister, c’est se faire violence pour être !

« L’espace et le temps » est le créateur de l’univers ; c’est une grandeur continue. Et c’est la raison pour laquelle il n’est pas concevable de parler du temps séparément de l’espace. Ils ne sont pas pluriels. Le faire, nous précipiterait dans le néant sans possibilité de le constater. Le temps et l’espace ne peuvent être montré du doigt, pas plus définissables l’un sans l’autre. Leur fusion, à l’origine du Big-Bang, a fait naître la vie il y a des myriades. Par conséquent, la mouvance qui témoigne de l’expansion de l’univers, c’est la vie ; et le mouvement, l’acte de passage d’un lieu à un autre et d’un instant au suivant, témoigne que nous sommes, que nous existons. On peut donc dire de ce qui se meut qu’il est en vie. Si tel est le cas, la vie ne s’applique plus seulement à ce qui est biologique puisque nous sommes tous capables de donner vie à une pierre en la mettant tout simplement en mouvement bien que sur le plan chimique, moléculaire, elle l’est déjà; d’où vient dont l’idée qu’il existe de la matière inerte opposée à la matière biologique, vivante ? L’idée d’inertie y trouve-t-il sa raison d’être ? Et le bio que nous mettons en conflit avec ce qui est chimique, de quoi est-il fait ? N’est-ce pas d’un composé fait de ces quelques singularités chimiques que l’on retrouve dans le tableau de classification des éléments identifiés à ce jour ? Il n’y aurait donc aucune différence ? Mais la problématique que cela soulève mérite que nous nous penchons dessus. La vie est donc la résultante de l’union entre le temps et l’espace. Aussi, il est important que tout discours, hypothèse, ou théorie qui formule sur l’un, le fasse aussi de l’autre au même instant et dans la même dimension.

Qu’est-ce donc que la vie, puisqu’il apparait qu’elle est universelle et affecterait tout ce qui est réel ? C’est exister ? C’est-à-dire se faire violence pour être ? Une violence dirigée uniquement vers soi !

Vivre, c’est se reconnaitre comme son propre prédateur qu’on a face à soi-même, une proie dont on doit s’en nourrir. C’est en cela que la vie à une importance et prend tout son sens. Je suis très loin de faire l’apologie de la souffrance et de la résignation face aux obstacles d’ordre métaphysique et ou ontologique, une sorte de négation du corps et de délégation du droit de vivre. Au contraire, mais bien distant de l’athéisme.

Exister est un devoir, celui de s’aimer ; c’est aussi vouloir se connaitre soi-même. C’est pourquoi l’activité des philosophes à travers toute l’histoire de la pensée, depuis ses balbutiements à ce jour, est marquée de cette empreinte : l’amour de soi, l’amour de la sagesse, pour devenir plus humain encore. Ce qui me donne l’occasion de rebondir sur la souffrance et son importance face à l’actualité de plus en plus importante du suicide conçu par beaucoup comme une emprise sur leur destiné, un moyen de se défaire de l’emprise d’un destin décidé sans notre consentement ; comme si être maître de soi s’ordonnait par un claquement des doigts. Non ! L’humanité ne connait pas la peur, elle s’exalte face au danger, car cela lui donne d’éprouver ses propres limites : un prolongement de la longue marche de notre évolution. C’est ainsi : l’humanité est aussi une grandeur continue. Elle est congrue à l’entité « Espace et Temps », la congruence définit, ici, la possibilité de superposer dans le plan deux figures égales et semblables. Notre univers, celui que nous connaissons aujourd’hui, a connu les violences les plus improbables à notre entendement de femme et d’homme moderne ; et malgré tout, la vie est toujours présente et continue d’être ; et l’humanité y a toujours son empreinte.

L’imagination est créatrice et libératrice !

L’humanité considère notre existence comme un jeu, un défi qu’il faut relever, une équation dont la solvabilité s’étend à l’infini. Plus il y a d’obstacle, grande est la satisfaction d’avoir relevé l’épreuve et d’avoir trouvé une solution qui s’arrimera à ce qui, en nous, est inné et nous permet de prendre de la hauteur sur les autres. L’humain devrait considérer le monde comme une carte-au-trésor. Il est un terrain de jeu vers lequel tous se ruent, à la recherche d’un trésor qui serait caché, enfoui quelque part. Dans ce jeu, on trouve rarement le trésor, ou jamais, mais on est toujours satisfait d’avoir fait l’aventure. L’aventure reste bénéfique et ludique, elle relègue le trésor au second plan ; elle l’est surtout de par l’expérience vécue et du sentiment d’accomplissement de soi que cela procure ; le trésor n’a de réelle valeur que ce que la subjectivé et l’arbitrage donc nous sommes les acteurs lui donnons. C’est pourquoi, quand tout semble obscur, tragique, sans une once d’espérance à l’horizon et que l’angoisse nous pétrifie, il faut se dire que nous survivrons ; c’est en cela que nous parviendrons à notre aboutissement, et à notre plénitude. Notre existence n’a de sens que par ce dont-on lui attribue en finalité comme étant l’objet existentielle la plus importante. Vu sous cet angle, il y a de fortes chances que le sourire revienne, que la nécessité de mourir pour échapper à la souffrance, quelle qu’elle soit, soit une horreur. Plus le nombre de défis est relevé, moins sera pesant le fardeau le plus lourd qu’on n’ait jamais porté. Cette expérience aguerrie. Et être maître de soi sera d’avoir pour soi sa dignité. Alors, Exister, c’est se faire violence pour être, car notre environnement s’est donnée pour mission de nous priver de notre légèreté, celle qui nous garantit d’être toujours en altitude. Autrement, nous n’aurions d’existence que du néant.

Le suicide, acte faisant toujours suite au sentiment de dégout de soi, est la négation de la vie, un signe de faiblesse et de perte d’identité. Loin d’être une emprise sur son propre destin comme étant maître de soi, c’est une déclination de l’invitation à être humain. L’humain, on le devient avec le temps, et l’espace que nous occupons forge la personnalité et lui donne une forme finale : une identité humaine. L’humain est la force qui fait mouvoir l’humanité.

Il pourrait y avoir deux façons de considérer notre existence et son objectif. Soit on vit pour quelqu’un, soit on vit pour soi. Des deux, il me semble que la première nous entraine vers le néant : exister pour l’autre n’est autre que faire exister l’autre par l’effacement et l’anéantissement de soi ; et vivre pour l’autre, c’est mettre fin à sa propre vie.

Une vie pour autrui et au dépend de l’autre n’a aucun sens pour le vivant. Il n’en mesure pas la portée, pire, il n’a pas les instruments pour donner une valeur à sa propre vie. Sa référence et sa limite est l’autre, considéré comme son horizon : celui-là l’absorbe. Mais une personne qui vit pour soi, par le fait même de vivre pour soi, donne déjà du sens à sa vie et a déjà posé le pas sur la première marche vers une humanité. Cette personne à une conception de la vie qui s’oppose à celle qui consiste à vivre coûte que coûte. Cette personne pose la vie comme un problème à résoudre avec enthousiasme. Il s’habitue à la difficulté parce qu’elle la génère par elle-même. L’humain, c’est celui qui repousse ses limites, plus son horizon est large, vaste et dégagé, plus grand est l’espace qu’occupe son esprit ; et son imagination transcende l’imaginable pour créer l’inattendu de par son incommensurabilité. Plus la difficulté surmontée est importante, grande est sa satisfaction à contempler son exploit. C’est pourquoi, l’humanité n’existe qu’auprès des personnes pures d’esprits, celles qui ne tolèrent pas l’obscurantisme. Cette même humanité n’accepte pas de voir les autres faibles, à genoux et gravement attirés vers la cendre et la poussière. Exister, c’est se faire violence pour être heureux ; et l’humain est celui qui gouverne le monde par son pouvoir de création. L’imagination est créatrice et libératrice.