La Psychothérapie Préventive

Il y a deux mois, j’ai reçu un couple et leur fils en consultation pour une évaluation de l’aptitude cognitive de ce dernier. Après une batterie de huit tests donc trois pour son âge et cinq allant jusqu’à cinq ans d’âge, ce petit garçon de quinze mois a rehaussé le record en aptitude mnésique, et ses compétences cognitives étaient des plus remarquables pour son âge. Ayant l’impression de voir la mère pleurer par incapacité à contenir sa satisfaction et son émotion pour avoir mis au monde un enfant surdoué après que je lui ai fait remarquer que son fils était intelligent, doté d’une capacité intuitive très affiné, d’un pouvoir de déduction des plus inimaginables pour moi qui suis au contact d’enfants de cette tranche d’âge, et de surcroit qu’il était beau… (ce qu’elle savait déjà), elle me fit comprendre (après que j’ai confirmé ses attentes), timidement par une voix empreint de lamentations : « je ne pleure pas!… (Silence), je pleure pour avoir pensé à avorter de lui ».

Cette femme âgée de 26 ans, sans avoir commis le pire, est restée prisonnière de ses intentions. Elle rapporte que, chaque fois qu’elle jette un regard vers son fils, elle coule des larmes à l’idée de savoir qu’elle ait pu avoir des idées si téméraires juste pour satisfaire ses ambitions professionnelles. « Aujourd’hui », a-t-elle dit : « Il est mon bonheur et ma raison d’exister » et « mon meilleur job sera de l’accompagner dans l’édification de sa personnalité ». A l’entendre parler ainsi, une perle de larme a coulé de chacun des yeux de son époux. A les voir, je ne pus me contenir… (mais sans couler des larmes). Et je compris tout de suite que, par elle-même, elle avait trouvé son chemin thérapeutique. Cet évènement a transformé sa personne et sa conception du monde et de la vie. Elle ne sera plus comme avant ; elle n’aura plus besoin de leçon de moral puisque la bonté qui s’est envahi d’elle a redécouvert la sagesse qui sommeillait en elle. Et d’elle, je compris que la sagesse va de pair avec la bonté : « être sagesse s’est être bon et/ou vouloir toujours du bien pour soi et pour autrui » et que la haine déshumanise.

Aussi, c’est par elle que m’est venu l’idée d’intituler mon premier cours d’introduction à la « philosophie morale et bio-mimétisme » à l’attention des apprenants de médecine (psychiatrie) et de psychologie inscrits à mon atelier des Neurosciences : « L’intention a-t-elle valeur d’acte » dans un contexte où il est de bon ton de mettre l’accent sur la prévention que d’être sur le fait accompli ?

Bon nombre de troubles psychologiques et psychiatriques trouvent leur fondement dans le fait d’avoir une fois au moins au cours d’une vie posé un acte ignoble, dont le surgissement rend la personne détestable à ses propres yeux. Soigner le patient psychiatrique de demain devra consister à soigner sa morale d’aujourd’hui. C’est pourquoi, le psychologue et le psychiatre d’aujourd’hui a un nouveau défi à relever : anticiper une thérapie sur chaque acte posé et ne jamais laisser un patient vivre avec un conflit avec lui-même quel que soit l’insignifiance de l’acte. Le cerveau humain (et certainement pour tous les êtres qui en ont un) n’oublie jamais rien ; chaque question Nou problème qu’il soulève doit trouver une réponse ou une solution : d’où le concept de « débroussaillage cognitif » que nous fonderons, une étape initiale et primordiale pour toute thérapie cognitive.

Malade de soi!

On ne regrette pas d’avoir posé un beau geste. Mais quand on a été odieux un seul instant, on porte le fardeau pour une éternité; peu importe l’accompagnement psychanalytique mis en place, la marque reste indélébile. Notre tâche en tant « officiants » pour la santé mentale consistera à aider le patient à faire le deuil avant le deuil, une pédagogie de la conscience plus qu’une thérapie des mœurs.